La question fondamentale, c’est de savoir si le TDAH est vraiment un trouble neurodéveloppemental d’origine génétique ou si les symptômes pourraient être la manifestation d’autres problématiques médicales, psychologiques ou psychosociales. Dans le podcast, Anne-Isabelle Dionne, une médecin qui s’est spécialisée en médecine fonctionnelle, et Joël Monzée, un neuroscientifique qui dispose d’une formation multidisciplinaire en psychologie, pédagogie et éthique, sont interviewés par Yannick Marceau. Cette entrevue a été diffusée sur BLVD (Québec) et QUB (Montréal).
Est-ce que c’est nécessairement un TDAH?
Depuis plus de 20 ans, Joël Monzée dénonce le manque de rigueur dans l’évaluation du TDAH, mais aussi le manque de validité scientifique et clinique des tests utilisés pour produire un diagnostic qui permet la prescription de psychostimulants. Le premier reportage télévisé présentant ses travaux a été diffusé par Radio-Canada en 2004. Depuis, il a donné des centaines d’entrevues sur le sujet et participé à de nombreux documentaires. En 2024, il a publié un rapport exposant la progression constante de prescriptions de psychotropes chez les jeunes. Depuis, il a publié ses résultats dans deux journaux, après révision par les pairs, dont les deux articles co-rédigés avec Anne-Isabelle Dionne.
Une problématique tant clinique qu’éthique:
La discussion autour de la présence, ou non, d’un TDAH n’est pas un caprice, mais un enjeu majeur pour les individus qui rencontrent parfois de larges défis dans leur vie. Il s’agit toutefois d’identifier le vrai problème. Certains ont sans doute un “vrai de vrai” TDAH, mais d’autres ont des difficultés différentes, et ce, même si les symptômes comportementaux se ressemblent. Pour éviter la confusion, le médecin doit pratiquer un diagnostic différentiel, tel que le rappelle l’Institut nationale de la santé et des services sociaux, mais également le ministère de la Santé et des Services sociaux. Toutefois, les médecins manquent parfois de temps, alors qu’ils n’ont pas nécessairement les connaissances pour départager les causes réelles.
C’est une question clinique, mais aussi une question éthique. En effet, beaucoup de jeunes et de moins jeunes sont sous médication psychostimulante, alors que leurs difficultés en termes de santé physiques et mentales son confondues avec un TDAH. Ils ne reçoivent donc pas le bon traitement. Cela dérange, car il y a trois modèles d’affaires lucratifs qui vivent de ce problème, à savoir l’industrie pharmaceutiques et de nombreuses cliniques d’évaluation en neuropsychologie, alors que divers “coaches de vie” exploitent la détresse des personnes en présentant le TDAH comme le problème central de leur vie pour vendre des formations sans pour autant s’adresser aux vraies difficultés des personnes.
Quelques dates en ce qui concerne la petite histoire du TDAH au Québec:
• Les lignes directrices concernant le TDAH datent de 2000, à la suite de la publication d’un document conjoint du Collège des médecins et de l’Ordre des psychologues.
• Les lignes directrices n’ont pas nécessairement été révisées sur le fond en 2019, mais le MESSS demandent aux médecins de pratiquer un diagnostic différentiel (analyse de la santé physique, mentale et psychosociale) avant de poser un diagnostic de TDAH. Toutefois, le MESSS ne cible aucun élément pour lesquels les médecins devraient être prudents.
• En janvier 2019, quatre experts – dont Joël Monzée – rédigent des lettres ouvertes co-signées par des dizaines de pédiatres. Cela déclenche une commission spéciale à l’Assemblée nationale (novembre 2019) qui rendra son rapport quelques mois plus tard (2020).
• En 2020, la Commission de la santé et des services sociaux demande à l’INESSS, au Collège des médecins et à l’Ordre des psychologues de revoir les lignes directrices. Cinq ans plus tard, rien n’a été diffusé.
• On constate qu’en 2019-2020, la médiatisation de la surconsommation de psychostimulants est légèrement réduite, montrant que la sensibilisation des médecins fait partie des solutions pour réduire la prévalence et le taux de prescription de psychotropes.
• En 2024, Joël Monzée publie un rapport montrant l’évolution constante du nombre de jeunes sous médications (TDAH, dépression, anxiété, etc.). Au début de la vingtaine, c’est 25% des jeunes adultes qui consomment des psychotropes pour « fonctionner » dans la société. Il publiera un premier article résumant son rapport en 2024 (online de la revue) et 2025 (numéro de la revue) dans Psychotherapy and Psychosomatics.
• En 2025, Joël Monzée et Anne-Isabelle Dionne publient deux articles dans la revue de la Société européenne de médecine pour aider les médecins à pratiquer (enfin) des diagnostics différentiels pour cibler l’origine des symptômes et orienter adéquatement le traitement.